Une semaine de cinéma plutôt banale est dominée par un film tout sauf banal du tout sur la banalité du mal, une oeuvre glacée et glaciale qui ose absolument tout en ne montrant pratiquement rien, tout en montrant tout de ce qui se passe des deux côtés d’un mur infâme à Auschwitz. THE ZONE OF INTEREST de Jonathan Glazer fut un des moments forts et les plus discutés du dernier Festival de Cannes. Il est nommé pour trois Oscars et nous vous le recommandons chaudement, tout en vous prévenant que personne ne sortira indemne de la projection.
Jean-Pierre THILGES
Semaine du 31.1. au 6.2.2024

THE ZONE OF INTEREST *****
Drame glacial; Réalisateur: Jonatahn Glazer; avec Sandra Hüller, Christian Friedel, Freya Kreutzkam; Scénaristes: Jonathan Glazer, d’après le livre de Martin Amis; Directeur/Photo: Lukasz Zal; Musique: Mica Levi; GB 2023, 105 minutes; Grand Prix Festival de Cannes 2023; Toronto Intl. Film, Festival 2023; Nommé pour l’Oscar 2024 du meilleur film, du meilleur film étranger et du meilleur réalisateur.

Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme Hedwig s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans une maison avec jardin juste à côté du camp…

- La banalité du Mal, comme le cinéma ne l’a jamais montré. Un film qui glacera la sang dans vos veines. (jpt) Ce quasi-huis clos chez les monstres, adapté du roman de Martin Amis, travaille avec un soin maniaque l’éternelle question de la banalité du mal et de la représentation de l’horreur. Les premières minutes, un écran noir sur fond de distorsions sonores, annoncent l’intention : filmer le vide. L’indescriptible. L’anéantissement de toute humanité, quelque part entre un buisson de roses, un repas de famille et la rumeur constante de la mort. Coups de fusil, hurlements, ronflement des fours accompagnent la petite vie infra-ordinaire du clan Höss, qui s’en accommode comme on s’habitue au vacarme d’une autoroute voisine. (Télérama) Le retour des nazis sur la Croisette, cette fois-ci dans un film dont la pertinence esthétique s’inscrit en lettres de feu, ou plutôt de glace, dans l’histoire, plus souvent qu’à son tour obscène, de la représentation de la réalité concentrationnaire. (Le Monde)

- A single, satanic joke burns through the celluloid in Jonathan Glazer’s technically brilliant, uneasy Holocaust movie, freely adapted by the director from the novel by Martin Amis, a film which for all its artistry is perhaps not entirely in control of its (intentional) bad taste. (…) Glazer’s movie is however, at least arguably, in the tradition of representing the horror indirectly, like Claude Lanzmann and Michael Haneke. And the film does try to accommodate Jewish testimony, though the final coda sequence in the modern-day Auschwitz museum may absolve the film of flippancy, but does oddly represent a kind of loss of nerve – as if the movie finally can’t bear to stay within the prison of historical irony and has to flashforward out of there to restate its humane credentials. Yet there can be no doubt of Glazer’s focus on an evil which creates its own banality, the banality which allowed the mass murderers to go about their business. (Peter Bradshaw/The Guardian)


ARGYLLE (aussi en IMAX)
Comédie ,action, thriller; Réalisateur: Matthew Vaughn; avec Henry Cavill, Bryce Dallas Howard, Sofia boutella, Samuel l.Jackson, Bryan Cranston, etc.; Scénariste: Jason Fuchs; Musique: Lorne Balfe; USA 2024, 139 minutes.

L’autrice à succès Elly Conway écrit des romans centrés sur le personnage d’Argylle, un espion aux habiletés extraordinaires qui s’oppose à des ennemis dangereux. Alors qu’elle travaille sur le cinquième tome de sa série, elle est accostée par un inconnu qui affirme que ses récits sont si proches de la réalité qu’elle est devenue la cible d’un véritable groupe criminel. Elly trouve l’idée ridicule, jusqu’à ce qu’elle soit attaquée par une horde de combattants armés. Elle n’a d’autre choix que de suivre ce quidam qui semble vouloir la protéger, et qui lui rappelle étrangement le héros de ses livres. (Résumé: Régie du Cinéma Québec)

- Le film n’étant sorti nulle part, il n’y a pas encore de critiques disponibles. Mais le chat a l’air gentil. (jpt)



EINE MILLION MINUTEN
Drama; Regie: Christopher Doll; mit Pola Friedrichs, Karoline Herfruth, Tom Schilling, Joachim Król; Drehbuch; Monika Fässler, Tim Hebborn, Uta Ziemann, ua.; Kamera: Andreas Beeger; Musik: Dascha Dauenhauer; Deutschland 2024, 110 Minuten.

Das Paar Vera und Wolf führt mit seinen beiden Kindern, der fünfjährigen Nina und dem einjährigen Simon, ein scheinbar glückliches Leben in Berlin. Während Vera einem Halbtagsjob nachgeht und sich danach um die Kinder und den Haushalt kümmert, arbeitet Wolf in Sachen Klimaschutz als wissenschaftlicher Berater der UN. Doch der Versuch, sowohl den Berufen als auch der Familie gerecht zu werden, reibt die beiden zusehends auf. Die Diagnose, dass Tochter Nina an einer Störung von Feinmotorik und Koordination leidet, bringt das Lebensmodel der Familie endgültig ins Wanken. Als Nina kurz darauf den kindlichen Wunsch äußert, “eine Million Minuten” mit ihren Eltern zu verbringen, bringt das den entscheidenden Anstoß: Eine Million Minuten, 694 Tage lang, sucht die Familie in verschiedenen Teilen der Welt nach einem alternativen Lebensmodell….

- Christopher Doll ist nah dran an den Figuren, Tom Schilling („Lara“) und Karoline Herfurth („Einfach mal was Schönes“) verleihen ihren Rollen ein hohes Maß an Authentizität. „Eine Million Minuten“ ist ein berührender, mitreißend inszenierter Film, der seine Zuschauer auf subtile Weise dazu ermuntert, die eigenen Prioritäten infrage zu stellen. (cinema.de)



IL PRIMO GIORNO DELLA MIA VITA
Drame; Réalisateur: Poalo Genovese; avec Toni Servillo, Valeria Mastandrea, Margherita Buy; Scénaristes: Paolo Genovese, Isabelle Aguilar, Paolo Costella; Directeur/Photo: Fabrizio Lucci; musique: Maurizio Fillardo; Italie 2024, 121 minutes,

Quatre personnes d’âges et d’expériences différents, partagent le même désir d’en finir. Arianna est une policière en deuil ; Napoleone est un coach en bout de course ; Emilia est une ancienne gymnaste, aujourd’hui en fauteuil roulant ; Daniele est un très jeune influenceur en surpoids et victime d’harcèlement. Un homme mystérieux les embarque tous dans sa voiture. Il leur donne une semaine pour se donner une seconde chance et reprendre goût à la vie…

- Jour après jour, ces quatre “dead man walking” sont alternativement placés face à leurs traumatismes, invités à relativiser la douleur et à savourer de nouveau la vie (au vrai sens du terme, puisqu’au début, ils sont privés de leurs sens, qu’ils retrouvent petit à petit), car quand on a touché le fond, on peut toujours remonter. Initialement défiants les uns par rapport aux autres, nos quatre aspirants-suicidés commencent à se solidariser et établir des liens entre eux, mais comme on peut le prévoir, tout le monde ne va pas réussir à revenir sur ses décisions et à ressortir des ténèbres. La prévisibilité est un peu la petite imperfection de ce travail, avec aussi quelques motivations pour se suicider peu convaincantes, qui empêchent le spectateur de compatir avec les personnages concernés. En revanche, les excellentes interprétations, toutes composées par soustraction (il faut aussi citer parmi les comédiens Giorgio Tirabassi, Vittoria Puccini et Lidia Vitale), le décor de l’action, qui est une Rome nocturne presque méconnaissable (celle des hôtels fatigués autour de la gare Termini), et l’indéniable talent de Genovese pour ce qui est de confectionner des histoires introspectives destinées au grand public, font de Il primo giorno della mia vita un film intrigant à voir et d’attrait international. (Vittorio Scarpa/Cineuropa.org)


Films made in/with Luxembourg
CONANN *
OFNI – Objet filmique non identifié; Réalisateur, scénariste: Bertrand Mandico, d’après Robert E.Howard; avec Elina Löwensohn, Christa Théret, Julia Riedler; Directeur/Photo: Nicolas Eveilleau; Musique: Pierre Desprats; France/Luxembourg 2023, 105 minutes; Quinzaine des Cinéastes Cannes 2023.

Parcourant les abîmes, le chien des enfers Rainer raconte les six vies de Conann, perpétuellement mise à mort par son propre avenir, à travers les époques, les mythes et les âges. Depuis son enfance, esclave de Sanja et de sa horde barbare, jusqu’à son accession aux sommets de la cruauté aux portes de notre monde…
- Je m’excuse profondément, mais ce film, dont les critiques français ont raffolé avec une flopée de 4 ou 5 étoiles, m’a complètement laissé de glace, est passé au-dessus de ma tête de vieillard grincheux et m’a copieusement fait chier, coproduction luxembourgeoise ou non. Il est sans doute vrai que le maëlstrom d’images en noir et blanc est impressionnant, mais moi, il m’a assommé et je n’ai réussi à aucun moment à m’immerser dans l’univers glauquissime du cinéaste. Ceci n’est pas mon cinéma ! Voilà, c’est dit et même écrit, et je vous laisse en compagnie de mes confrères français (ci-dessous) pour vous donner envie de voir le film. (jpt)

- L’idée la plus troublante de Conann consiste à retracer les mues successives de la guerrière féroce, depuis ses 15 ans jusqu’à son dernier jour, à travers six actrices imprimant génialement leur marque. Chaque étape de la vie de Conann ressemble à une mort. « Tuer sa propre jeunesse, tel est le comble de la barbarie. » Un Chef-d’œuvre. (Le Monde) “Conann” est ce qu’on espérait, un film élégant, délabré, sensuel, putrescent, copulateur, extatique, crispant, lubrique, alourdi d’éléphantiasis, cannibale, germanique et péremptoire. (Libération) Contre le sentiment de continuité qui irrigue toute vie, cette croissance progressive qui fait que l’on change sans savoir, Mandico reconstitue toute la barbarie du coming of age : la violence du reniement, l’oubli plus ou moins décidé de ses convictions d’autrefois, la versatilité cynique où chaque âge a ses raisons et tout pouvoir de trahir son passé. (Cahiers du Cinéma) Le dernier rêve de Mandico est ainsi son plus tourmenté, peuplé de succubes, de folies meurtrières, de pactes démoniaques et d’amour impossible. Il laisse cette farouche impression de désordre dans le cœur et dans le ventre, comme la marque qu’une langue de feu noir aurait laissée sur notre peau. (Les Inrocks) Fait de bric et de broc, le film flamboie visuellement mais quel ennui ! Le décorum tient lieu de mise en scène et rien ne perce de la surface, de ces tableaux clinquants et gore aux dialogues et audaces dignes d’un spectacle de patronage. (L’Obs)
LE MUR DES ÉTOILES



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