Faites la queue comme tout le monde

Personne ne pourra accuser l'ouvreuse (et l'ombre qui se cache derrière elle) de favoriser l'un ou l'autre cinéma du Grand Duché. Comme cela a été le cas pour Mademoiselle Patapouf depuis qu'elle est née, en cette sombre journée de mars 1953, elle va voir les films là où on les lui montre et où ça l'arrange le mieux géographiquement au moment où l'envie d'une toile la prend. Kirchberg, Limpertsberg ou friches industrielles de Belval – elle se fout royalement ou même impérialement du lieu de la projection – du moment que l'image est nette et que le son lui procure les petits guili-guilis nécessaires.

Tout le monde sait que le très beau paquebot cinématographique belvalois a connu des débuts difficiles, suite à une certaine incompétence néerlandaise qui a transformé les anciennes friches industrielles dans le sud du pays en éternel champ de bataille, le tout évidemment retransmis avidement par la presse nationale. Mais depuis quelques mois, la machine cinébelvaloise tourne, à un point tel que tout récemment, le 500.000 visiteur a pu être accueilli. Actuellement, avec l'avènement des grandes vacances et du mauvais temps, le tout amplifié par une série de gros et bons films porteurs, les sept salles du complexe sont souvent prises d'assaut et c'est tant mieux, car il eut été dommage que l'expérience (onéreuse) se termine en désastre de couleur orange.

Cela dit, l'ouvreuse a visité le complexe plusieurs fois ces derniers jours et elle a été horrifiée de constater que les files devant les caisses sont devenues aussi interminables que chaotiques. Pour comprendre ce qui se passe, il faut savoir que – contrairement au complexe du Kirchberg – les caissiers et caissières à Belval ne vendent pas seulement les billets, mais ils doivent également demander à chaque client à quelle place il veut s'asseoir tout en lui vendant popcorn, nachos, boissons et autres nourritures tout à fait nourrissantes. Ce qui, en pratique, veut dire que ça prend beaucoup trop de temps pour servir chaque client, alors que derrière lui, la file s'allonge et les nerfs de ceux qui sont venus uniquement pour acheter un billet sont chauffés à blanc. Avec, comme résultat direct, que ça râle à gauche et à droite et que les séances doivent parfois être retardées, ce qui ne contribue guère à la bonne ambiance générale et au déroulement des programmes.

La direction du complexe, à qui la remarque a été faite plus d'une fois, semble cependant déterminée à continuer avec ce système original pour ne pas dire loufoque que l'ouvreuse a rencontré dans nul autre cinéma au monde – et Dieu sait qu'elle en a visité des cinémas. Comme chacun est architecte de son propre bonheur et comme les conseils de gens biens-pensants dont l'expérience dans le domaine compte pour des clous sont ignorés, ceci sera la dernière fois que Mademoiselle Patapouf y va de son petit grain de sel. Mais que les responsables prennent une fois eux-mêmes le temps de faire la queue comme tout le monde devant leurs bars à popcorn-billets-coca-nachos-chocolats-oùvoulezvousvousasseoir-merci-aurevoir. En ouvrant très grandes leurs petites oreilles, ils entendront peut-être que beaucoup de clients ne sont pas très contents. Allô!

Marie-Amandine, ange ou démon