Bonne année 2019. Voeu le plus cher: Qu’on débarrasse le monde enfin de Donald Trump et de ses acolytes! Voeu le plus chrétien: Que les gens réalisent une fois pour toutes que toute critique de cinéma est subjective, puisqu’elle représente l’opinion de celui qui l’écrit et pas de celui qui la lit – si le lecteur veut se former une opinion, qu’il aille voir le film lui même…on n’est quand-même pas une société de lemmings obligés de se jeter tous de la même falaise. Aucun critique n’est prophète dans son pays, il ne fait qu’informer, il fait part de SES observations, de ses remarques et dans le meilleur des cas, il veut partager SA passion du cinéma, il veut inciter les gens à voir des films, si possible dans les meilleures conditions et certainement pas en “fast forward”. Voilà, c’est tout ce qu’il y avait à dire sur le sujet. Où faut-il vraiment vous répéter la phrase célèbre prononcée par Jean-Paul Belmondo dans “À bout de souffle”? (*) Jean-Pierre THILGES
LES FILLES DU SOLEIL
Drame; Réalisatrice: Eva Husson; avec Golshifteh Farahani, Emmanuelle Bercot, Zübeyde Bulut, Maia Shamoevi; Scénaristes: Eva Husson, Jacques Akchoti; Directeur/Photo: Mattias Troelstrup; Musique: Morgan Kibby; France 2018, 111 minutes; Sélection officielle Festival de Cannes 2018, Toronto Intl. Film Festival 2018.
Au Kurdistan, Bahar, commandante du bataillon Les Filles du Soleil, se prépare à libérer sa ville des mains des extrémistes, avec l’espoir de retrouver son fils. Une journaliste française, Mathilde, vient couvrir l’offensive et témoigner de l’histoire de ces guerrières d’exception. Depuis que leur vie a basculé, toutes se battent pour la même cause : la femme, la vie, la liberté.
- L’ambition artistique et la prise de risque de ces “Filles du soleil” n’ont pas été considérées à leur juste mesure et pourtant il y a du cinéma, du romanesque, du brutal et de l’émotion ; des erreurs aussi – les flash-back déséquilibrent le film qui aurait dû s’en tenir à un récit plus simple. (L’Express) Sans être une réussite, le film d’Eva Husson ne méritait donc pas l’infamie dont on l’a couvert un peu vite à Cannes. (Les Inrocks) Révéler ce qui mène au combat des femmes kurdes et ce qui anime d’autres femmes, reporters de guerre, à les suivre est la louable ambition des “Filles du Soleil”. Las, pour traiter la dimension féministe de son sujet, Eva Husson choisit une forme romantique inappropriée. (Les Fiches du Cinéma) La cinéaste glorifie de manière bien maladroite ces femmes exemplaires, en cherchant trop à émouvoir. (Télérama)
SECOND ACT
Titre français: Seconde chance; Comédie romantique; Réalisateur: Peter Segal; avec Jennifer Lopez, Leah Remini, Vanessa Hudgens, Milo Ventimiglia, Treat Williams; Scénaristes: Elaine Goldsmith-Thomas, Justin Zackham; Directeur/Photo: Ueli Steiger; Musique: Michael Andrews; USA 2018, 104 minutes.
Lorsqu’elle se voit refuser une promotion au profit d’un candidat plus diplômé qu’elle, Maya Vargas, la quarantaine, décide de quitter son emploi pour trouver mieux ailleurs. Le fils de sa meilleure amie trafique son CV à son insu, et lui fait décrocher un boulot de rêve dans dans un grand groupe de cosmétiques de Manhattan. Armée de son bagout et de son vécu, aura-t-elle droit à sa seconde chance dans ce monde dont elle ne maitrise pas tous les codes ?
- Jennifer Lopez’s liveliest vehicle in a long time is a brisk formula office comedy that’s like “Working Girl” for the age of contempo class war. (…) Imagine a Jenny-from-the-block-goes-to-the-big-city comedy of corporate ambition, naïveté, and success — a movie in the tradition of “Working Girl” and “Baby Boom,” with Jennifer Lopez as Maya, the manager of a Queens superstore, who gets plucked from the outer boroughs like Cinderella to be an executive consultant for a high-end women’s cosmetics company. (…) “Second Act” has standard funny scenes like one in which Maya has to speak Mandarin at a business dinner by getting lines fed to her through an earpiece (including one about grasping a dog’s scrotum — the person feeding her the lines is an otherwise occupied veterinarian). The director, Peter Segal (who made “Tommy Boy” and several Adam Sandler comedies), has a way of getting fresh notes out of his actors. John James Cronin, as Remini’s owlish son, delivers four-letter words as if born to say them, and Treat Williams, as the head of the F&C corporation, seems, at 67, to have shaken all the darkness out of his system; as a benign business daddy, he gives a performance that pings. Charlyne Yi, as an executive assistant with a fear of heights (and a secret kink), performs with her own cracked timing, and Vanessa Hudgens plays Zoe with a grown-up saucy yearning. (Owen Gleiberman/Variety)
THE POSSESSION OF HANNAH GRACE
Titre français: L’exorcisme de Hannah Grace; Film d’épouvante; Réalisateur: Diederik Van Rooijen; avec Shay Mitchell, Stana Katic, Grey Damon; Scénariste: Brian Sieve; Directeur/Photo: Lennert Hillege; Musique: John Frizzell; USA 2018, 85 minutes.
Une ex-policière déchue en désintoxication accepte un travail dans la morgue de l’hôpital où elle se soigne. Un jour, un corps sévèrement mutilé lui est confié. La jeune femme assiste alors à une série de meurtres qui la conduira à affronter une entité démoniaque…
- A horror film set in a morgue, featuring a graphic-looking demon cadaver, may disappoint those who thought they were getting an exorcist flick.(…) In theory, putting “possession” in the title of a horror movie should add to its box-office allure. But it probably won’t take long for word to trickle out that “The Possession of Hannah Grace,” after the first five minutes, is not an exorcism movie. Rather, it’s about the corpse of a girl who dies during an exorcism (in New Canaan, Conn.), so technically speaking you could say that it qualifies. But viewers hooked on the spectacle of demonic possession tend to like their satanic tropes served neat. “The Possession of Hannah Grace” serves them sloppy, if not without a certain random soupçon of grisly style. Just about the entire film is set in a morgue. And though it stars Shay Mitchell, from “Pretty Little Liars,” it has her playing a character with almost no personality: Megan, an ex-cop and (barely) recovering alcoholic who lands a job working the graveyard shift as a morgue intake assistant at Boston Metro Hospital. Most movie morgues look like overbright kitchens in which you can just about smell the formaldehyde. In “The Possession of Hannah Grace,” the hospital interior is all handsomely streaked slate-gray concrete walls, like some architectural cousin to the dance school in the new version of “Suspiria.” It’s the morgue as Ian Schrager hotel. may not exactly be a setting to bring out the popcorn munchers, but “The Possession of Hannah Grace” does have one ghoulish hook to it, if you can call it that: The cadavers are extremely realistic-looking, all veiny marbled skin and blackened decomposing limbs. You might say, “Who would want to see that?” And maybe you don’t. But the director, Diederik Van Rooijen, who was born in the Netherlands, is banking on the fact that years of ever more gradually explicit forensic cop shows have inured us to this stuff, and that the savage gross-out realism he offers can now play as graphic macabre cool. (Owen Gleiberman/Variety)
AMANDA
Drame; Réalisateur: Mikhaël Hers; avec Vincent Lacoste, Isaure Multrier, Stacy Martin, Marinanne Basler, Greta Scacchi; Scénaristes: Mikhaël Hers, Maud Ameline; Directeur/Photo: Sébastien Buchmann; France 2018, 107 minutes.
Paris, de nos jours. David, 24 ans, vit au présent. Il jongle entre différents petits boulots et recule, pour un temps encore, l’heure des choix plus engageants. Le cours tranquille des choses vole en éclats quand sa sœur aînée meurt brutalement. Il se retrouve alors en charge de sa nièce de 7 ans, Amanda…
- “Amanda” nous pique au cœur, comme nous cueille la jeune actrice Isaure Multrier, incarnation bouleversante, jusqu’à une épiphanie finale qui la cadre, radieuse, gorgée d’avenir. (Les Inrocks) Un mélodrame magnifique sur l’apprivoisement de deux êtres. (Télérama) Le cinéma de Mikhaël Hers a souvent affaire au deuil et à la tristesse. Amanda rejoint cette inspiration d’une manière assez radicale, tout en y puisant sans doute un ressort de délicatesse – c’est de toute façon sa manière, rarement aussi limpide et véloce qu’ici. (Cahiers du Cinéma) De ce climat de violence et de fragilité, le cinéaste tire une élégance qui lui est propre. Une pudeur qui se manifeste à travers un art de l’ellipse et de la respiration dont on ne peut que lui savoir gré. (Le Monde)
Out of the Box: CLIMAX
Drame, thriller, provocation; Réalisateur, scénariste: Gaspar Noé; avec Sofia Boutella, Romain Guillermic, Souhella Yacoub, Kiddy Smile; Directeur/Photo: Benoît Debie; France 2018, 93 minutes; Quinzaine des Réalisateurs, Cannes 2018: Prix Art et essai CICAE.
Extase puis carnage sur la piste de danse…
- Pour être tout à fait franc…je ne supporte pas le cinéma de Gaspar Noé qui, pour mémoire, a signé des films aussi controversés comme LOVE (2015), ENTER THE VOID (2002) ou IRRÉVERSIBLE (2002). Plutôt que de vous faire part de mes lamentations sur ses films précédents, je vous laisse avec la critique – dans Télérama – de quelqu’un qui a beaucoup aimé un film que je n’irai pas voir. (jpt)
- Fasciné par les pulsions juvéniles de vie et de mort, le cinéaste signe un ovni romantico-gore stupéfiant. Un climax est un point ultime, culminant, et, de fait, ce huis clos aussi ébouriffant que traumatisant pourrait bien être le meilleur film de Gaspar Noé. Une acmé dans la quête cinématographique de ce cinéaste qui tente d’attraper le meilleur et le pire d’une époque, le plus vital comme le plus létal. Dès la première séquence, qui montre une femme ensanglantée dans la neige, Noé joue avec la structure narrative : il nous balance la fin du film, générique compris ! Et il annonce la couleur : Climax est un film d’horreur. Mais patience… Une troupe de danseurs se retrouve pour une fête de fin de répétitions. Dans un hangar, un petit buffet avec de la sangria, et une platine au-dessus de laquelle est tendue une énorme banderole tricolore, comme un drôle de cocorico candide et provocant à la fois. Ils sont une poignée de jeunes de toutes couleurs à exulter, avec leurs talents de performeurs, au son de Supernature, le tube disco de Cerrone. Personne, aujourd’hui, dans le cinéma français, ne filme la danse comme Gaspard Noé, dont la caméra semble transpercer le plancher, planer, puis redescendre en piqué. La transe est totale, la pulsation maximale. Mais les meilleurs « trips » ont une face B : quelqu’un a mis « quelque chose dans la sangria ». La soirée déraille, mettant au jour les failles de ce collectif de jeunes, et menant à toutes les violences. Au point qu’une des danseuses enferme son fils, le seul enfant présent, dans un local électrique, pour le protéger…Des images de film de zombies se succèdent au gré de plans-séquences vertigineux : une blonde titube, sans fin, dans un couloir à l’éclairage vert de fin du monde, façon jeu vidéo. Une autre fille frappe au ventre sa collègue enceinte. Des corps sous emprise d’une drogue ravageuse se mêlent, nus, à même le sol, pour disparaître dans des lumières rouges aveuglantes. Quand, au petit matin, la porte de cet enfer s’ouvrira, enfin, on tentera de compter les morts, les blessés, ou ceux qui ont survécu en s’accouplant dans cette orgie. Climax est, à sa manière, un film radicalement romantique, où la pulsion de vie de la jeunesse semble tragiquement réversible. (Guillemette Odicino/Télérama)
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