Cette semaine – et les prochaines également – seront dominées par un film, dont on nous dit depuis des mois que la planète entière et tous les environs l’attendent avec impatience – on film dont on attend carrément qu’il sauvera le cinéma de sa propre disparition. Une chose est sûre, les films de super-héros totalement interchangeables ne disparaîtront pas de sitôt de nos écrans. Et c’est bien là que réside le problème, surtout en Amérique, où ces mastodontes – souvent sans aucun signe de vie au-delà des effets spéciaux et qui coûtent la peau des fesses – éliminent de plus en plus les “petits films”, qui ne subsistent que par la grâce (et encore) des plateformes de streaming. Cela dit, comme nous avions bien aimé le premier BLACK PANTHER, nous accorderons le bénéfice du doute à sa suite, WAKANDA FOREVER, dont la durée de 2 heures et 41 minutes nous fout néanmoins les jetons. Le reste de la programmation, qui sera sans doute piétinée par Marvel, s’annonce heureusmeent plus calme, avec un film iranien, LEILA’S BROTHERS, bien reçu par la critique à Cannes, et trois films français, COULEURS DE L’INCENDIE, VOUS NAUREZ PAS MA HAINE et RODÉO. Et aux amateurs de sauteries bollywoodiennes, le Kinepolis en propose deux.
Jean-Pierre THILGES
SEMAINE DU 9 AU 15 NOVEMBRE 2022
WAKANDA FOREVER
Aventures fantastiques; Réalisateur: Ryan Coogler; avec Tenoch Huerta, Letitia Wright, Angela Bassett, Lupita Nyong’o; Scénaristes: Ryan Coogler, Joe Robert Cole; Directrice/ Photo: Autumn Durald Arkapaw; Musique: Ludwig Göransson; USA 2022, 161 minutes.
La Reine Ramonda, Shuri, M’Baku, Okoye et les Dora Milaje luttent pour protéger leur nation des ingérences d’autres puissances mondiales après la mort du roi T’Challa. Alors que le peuple s’efforce d’aller de l’avant, nos héros vont devoir s’unir et compter sur l’aide de la mercenaire Nakia et d’Everett Ross pour faire entrer le royaume du Wakanda dans une nouvelle ère. Mais une terrible menace surgit d’un royaume caché au plus profond des océans : Talokan…
- Comme les critiques qui ont vu le film en vision de presse sont sous embargo, il n’y a pas encore d’articles fiables sur le film. Cela ne saura tarder…et vous les trouverez bientôt en cherchant sur le Net. De toute façon, les recettes du box-office mondial seront phénoménales, puisque nos sources s’attendent à 175 millions de dollars au cours des premiers jours. Picsou McDisney rigole déjà ! (jpt)
COULEURS DE L’INCENDIE
Drame historique; Réalisateur: Clovis Cornillac; avec Léa Drucker, Benoît Poelvoorde, Alice Isaaz, Clovis Cornillac, Olivier Gourmet, Fanny Ardant; Scénariste: Pierre Lemaitre, d’après son roman; Directeur/Photo: Thierry Pouget; Musique: Guillaume Roussel; France 2022, 136 minutes.
Février 1927. Après le décès de Marcel Péricourt, sa fille, Madeleine, doit prendre la tête de l’empire financier dont elle est l’héritière. Mais elle a un fils, Paul, qui d’un geste inattendu et tragique va la placer sur le chemin de la ruine et du déclassement. Face à l’adversité des hommes, à la corruption de son milieu et à l’ambition de son entourage, Madeleine devra mettre tout en œuvre pour survivre et reconstruire sa vie. Tâche d’autant plus difficile dans une France qui observe, impuissante, les premières couleurs de l’incendie qui va ravager l’Europe…
Auteur du roman original, Pierre Lemaitre signe lui-même l’adaptation du scénario. Clovis Cornillac souligne l’accessibilité de l’écrivain, qui a toujours été ouvert à ses idées et suggestions : “j’avais en face de moi un partenaire incroyablement disponible, généreux, qui me disait toujours « C’est ton film » et qui me renvoyait les corrections que je proposais. Jamais il ne s’est opposé à mes choix ou ne s’est mêlé de la mise en scène. (Dossier de presse)
LEILA’S BROTHERS
Drame; Réalisateur, scénariste: Saeed Roustaee; avec Taraneh Alidoosti, Navid Mohammadzadeh, Payman Maadi; Directeur/Photo: Houman Behmanesh; Musique: Ramin Kousha; Iran 2022, 159 minutes; Festival de Cannes 2022.
Leila a dédié toute sa vie à ses parents et ses quatre frères. Très touchée par une crise économique sans précédent, la famille croule sous les dettes et se déchire au fur et à mesure de leurs désillusions personnelles. Afin de les sortir de cette situation, Leila élabore un plan : acheter une boutique pour lancer une affaire avec ses frères. Chacun y met toutes ses économies, mais il leur manque un dernier soutien financier. Au même moment et à la surprise de tous, leur père Esmail promet une importante somme d’argent à sa communauté afin d’en devenir le nouveau parrain, la plus haute distinction de la tradition persane. Peu à peu, les actions de chacun de ses membres entraînent la famille au bord de l’implosion, alors que la santé du patriarche se détériore…
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Servi par d’excellents acteurs au jeu naturel et percutant, circonscrits par le sens du cadre toujours précis, des dialogues fins et l’ampleur de la mise en scène (notamment dans une scène de mariage étonnante, presque à la De Palma) et globalement impressionnante de Saeed Roustaee, ce film émeut profondément. (Bande à part) Devant la caméra de Saeed Roustaee, le drame se fait tragédie, le particulier tend à l’universel, et le cinéma tutoie ses plus hauts sommets. Rivés aux arêtes explosives d’une famille au bord de l’implosion, on tient là un des tours de force de 2022. (Ecran Large) Même s’il existe une tradition du film social en Iran, celui-ci est traversé par une rage particulière qui l’éloigne du dolorisme des pauvres gens pour construire un autre récit, plus retors, où l’effort individuel pour s’en sortir, l’héroïsme panique de la débrouille […] se fracasse contre des enjeux de pouvoirs, des gratifications humiliantes, des promesses de gains virant, aussitôt calculés, en nouvelle ligne de dettes […]. (Libération)
VOUS N’AUREZ PAS MA HAINE
Drame; Réalisateur: Kilian Riedhof; avec Pierre Deladonchamps, Zoé Ionio, Camélia Jordana; Scénaistes: Jan Braren, Marc Blöbaum, Klian Riedhof, Stéphanie Kalfon, d’après le livre d’Antoine Leiris; Directeur/Photo: Manu Dacosse; Musique: Peter Hinterthür; France/Belgique 2022, 103 minutes.
Comment surmonter une tragédie sans sombrer dans la haine et le désespoir ? L’histoire vraie d’Antoine Leiris, qui a perdu Hélène, sa femme bien-aimée, pendant les attentats du Bataclan à Paris, nous montre une voie possible : à la haine des terroristes, Antoine oppose l’amour qu’il porte à son jeune fils et à sa femme disparue…
- Adaptation du récit que le journaliste Antoine Leiris a fait de la tourmente dans laquelle il est entré après la mort de sa femme au Bataclan en 2015, ce “film-témoignage” grand public trouve une distance assez juste pour éviter la lourdeur et l’indignité. (Les Fiches du Cinéma) La rhétorique du film de genre (montage syncopé, distorsions angoissantes, teintes désaturées) s’applique exclusivement à l’après-coup, activant une machinerie compassionnelle prévisible. En cultivant des expressions opaques ou contradictoires, Deladonchamps prend alors en charge l’humanité et la complexité de son personnage, refusant une édification héroïque trop univoque. (Cahiers du Cinéma)
RODEO
Drame; Réalisatrice: Lola Quiveron; avec Julie Ledru, Yanis Lafki, Antonia Buresi; Scénaristes: Lola Quivoron, Antonia Buresi; Directeur/Photo: Raphaël Vandenbussche; France 2022, 105 minutes; Un certain regard, Cannes 2022.
Julia vit de petites combines et voue une passion dévorante, presque animale, à la pratique de la moto. Un jour d’été, elle fait la rencontre d’une bande de motards adeptes du cross-bitume et infiltre ce milieu clandestin, constitué majoritairement de jeunes hommes. Avant qu’un accident ne fragilise sa position au sein de la bande…
- Le film, tourné à l’estomac, fait feu de tout bois et de tous genres (western, polar, fantastique…) et révèle en Lola Quivoron, qui signe son premier long métrage, un sacré tempérament de cinéma. (Le Monde) Tout ce chahut ressemble à la vie telle qu’on la rêve avec fièvre au cinéma. Naturalisme vorace, coupé à l’onirisme par moments parce que c’est comme ça que le jeune cinéma français se plaît à le faire en ce moment. (Libération) La démarche de Lola Quivoron (…) force surtout le respect par le choix d’un traitement qui dépasse le naturalisme en combinant la présence rugueuse, parfois agressive, des textures, des couleurs et des sons avec des accents mystiques, frôlant le fantastique (…). (Cahiers du Cinéma)