Oui, bonne année, avec quelques jours de retard puisque les HATARI PAPERS s’étaient réfugiés en Égypte pour deux semaines de vacances méritées. Revenus un tantinet bronzés du soleil éternel et des flots bleus de la Mer Rouge, nous sommes gonflés à bloc pour vous parler cinéma, d’autant plus que l’année a commencé sur les chapeaux de roue avec LIVING **** et THE BANSHEES OF INISHERIN *****, qui ont rejoint AVATAR – THE WAY OF WATER ***** pour attirer les foules dans les salles. Et ça continue de plus belle avec la sortie, cette semaine, du très attendu BABYLON de Damien Chazelle, de l’excellent HARKA ***, coproduit par le Luxembourg, de l’intriguant PACIFICTION encensé par la critique française , de l’avant-première du nouveau film de Jafar Panahi, NO BEARS *** et de celle du film espagnol primé par l’Ours d’Or au Festival de Berlin, ALCARRÀS. Autant vous dire que les cinéphiles ont du pain sur la planche.
Jean-Pierre THILGES

SEMAINE DU 11 AU 17 JANVIER 2023
En avant-première
BABYLON
Drame historique et hystérique; Réalisateur, scénariste: Damien Chazelle; avec Margot Robbie, Brad Pitt, Jean Smart, Olivia Wilde; Directeur/Photo: Linus Sandgren; Musique: Justin Hurwitz; USA 2022, 189 minutes-
En 1926, lors d’une réception libertine à Beverly Hills, l’aspirante actrice Nelly LaRoy rencontre la grande vedette du cinéma muet Jack Conrad et l’homme à tout faire Manuel Torres. Durant les années qui suivent, leurs chemins se croisent à plusieurs reprises sur les plateaux de tournage et dans des événements mondains. L’arrivée du cinéma parlant bouleverse l’industrie de Hollywood. Certains professionnels échouent dans leur tentative de s’adapter aux nouvelles réalités de la production et leur carrière prend fin, parfois tragiquement…
Librement inspiré de l’histoire du septième art et du parcours de ses célébrités, le film offre un regard attendri sur l’industrie du cinéma, le vedettariat, l’euphorie créatrice et les défis techniques de l’époque. (Régie du Cinéma Québec)
- When the dizzying trailer for Babylon dropped, its coke-fueled bacchanal of sex, partying, moviemaking and sleaze sold it as The Day of the Locust meets The Wolf of Wall Street. Marketing can be deceptive, but in this case, turns out that’s an accurate taste of what the whopping three hours and change of Damien Chazelle’s poison-pen letter to 1920s and ‘30s Hollywood delivers, with the freewheeling storytelling of Boogie Nights and a sticky dollop of Lynchian creepiness. No doubt plenty of cool kids will eagerly sign up to be pummeled by the film’s crazed excesses, though just as many will find it exhausting and sour. Even its technical virtuosity feels assaultive. (David Rooney/The Hollywood Reporter)
- With brash and bawdy “Babylon,” director Damien Chazelle blows something between a poisoned kiss and a big fat raspberry at the same town he so swoonily depicted in “La La Land.” Separated by nine decades and nearly an ocean of cynicism, the two Tinseltown-set films seem unlikely to have sprung from the same head; we might never suspect they had, were it not for musical collaborator Justin Hurwitz’s busy, hyper-jazzinated score. Here, Chazelle rewinds the clock to Hollywood’s raucous early days — specifically, the transition from silent filmmaking to talkies, when the industry was still fresh and figuring out what it could be. (Peter Debruge/Variety)
- Damien Chazelle returns to that la la land in which he made his big breakthrough, with a turbocharged but heavy-handed epic about the secret chaos and excess of 1920s silent-era Hollywood on the verge of talkie extinction, inspired by some well-known anecdotes and further embellishing the apocryphal rumours and tales. It’s a love letter to the movies, inevitably, though I remember Chazelle’s previous films being love letters to actual human beings. There are preemptive references to Singin’ in the Rain and it climaxes with a swoony-solemn Oscar-telecast-type montage including clips from Maya Deren’s Meshes of the Afternoon and James Cameron’s Terminator 2. Funny though Babylon often is, in all its frantic melodrama it is weirdly without the gentle romantic sweetness and believable human frailty in his Oscar-winning film La La Land (although there are musical echoes of that earlier picture and the same message that jazz is where integrity is to be found in showbusiness). (Peter Bradshaw/The Guardian)
Films made in/with Luxembourg
HARKA ***
Drame; Réalisateur, scénariste: Lotfy Nathan; avec Adam Bessa, Salima Maatougm Ikbal Harbi; Directeur/Photo: Maximilian Pittner; Musique: Eli Keszler; France/Tunisie/ Luxembourg (Tarantula)/Belgique 2022, 82 minutes; Meilleur acteur (ex-aeaquo avec Vicky Krieps) Un Certain Regard, Cannes 2022.
Ali, jeune tunisien rêvant d’une vie meilleure, mène une existence solitaire, en vendant de l’essence de contrebande au marché noir. À la mort de son père, il doit s’occuper de ses deux sœurs cadettes, livrées à elles-mêmes dans une maison dont elles seront bientôt expulsées. Face à cette soudaine responsabilité et aux injustices auxquelles il est confronté, Ali s’éveille à la colère et à la révolte. Celle d’une génération qui, plus de dix ans après la révolution, essaie toujours de se faire entendre…
- Harka dépasse rapidement son statut de premier film pour proposer une histoire intense, prenante, impressionnante de maîtrise et d’émotion, ancrée dans une réalité malheureusement trop répandue, et qui fait le choix de la révolte tout en n’ignorant pas qu’elle ne se fera jamais tout seul. (Ecran Large) Harka se trouve, avec une rage calme, soutenu par chaque particule de son acteur principal et par le spectre de celui qu’il invoque, des images et des sons pour dire la trajectoire du pire au milieu du monde indifférent. (Libération)
PACIFICTION – TOURMENT SUR LES ÎLES
Drame, film d’espionnage; Réalisateur, scénariste: Albert Serra; avec Benoît Magimel, Pahoa Mahagafanau, Matahi Pambrun; Directeur/Photo: Artur Tort; France 2022, 165 minutes; Festival de Cannes 2022.
Sur l’île de Tahiti, en Polynésie française, le Haut-Commissaire de la République De Roller, représentant de l’État Français, est un homme de calcul aux manières parfaites. Dans les réceptions officielles comme les établissements interlopes, il prend constamment le pouls d’une population locale d’où la colère peut émerger à tout moment. D’autant plus qu’une rumeur se fait insistante : on aurait aperçu un sous-marin dont la présence fantomatique annoncerait une reprise des essais nucléaires français…
- Pacifiction – Tourment sur les îles est un film ahurissant, un grand paquebot à la dérive sur un océan de rêves obscurs, un magma de fictions grouillantes, reparti injustement bredouille de Cannes tout en étant le seul à braver l’inconnu, ce territoire de cinéma à la fois réel et fantasmé que Chris Marker aurait appelé un « dépays ». (Cahiers du Cinéma) Entre le flamboiement des cieux et le miroitement turquoise de la mer, le M. Homais préfectoral exsude dans l’enchaînement flaubertien des vues pittoresques et d’une puissance qui se délite. Chef-d’œuvre. (Le Monde) Un chef d’œuvre stupéfiant. (Libération)
ANNIE COLÈRE
Comédie dramatique; Réalisatrice: Blandine Lenoir; avec Laure Calamy, Zita Hanrot, India Hair; Directrice/Photo: Céline Bozon; Musique: Bertrand Belin; France 2022, 120 minutes.
Février 1974. Parce qu’elle se retrouve enceinte accidentellement, Annie, ouvrière et mère de deux enfants, rencontre le MLAC – Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception qui pratique les avortements illégaux aux yeux de tous. Accueillie par ce mouvement unique, fondé sur l’aide concrète aux femmes et le partage des savoirs, elle va trouver dans la bataille pour l’adoption de la loi sur l’avortement un nouveau sens à sa vie…
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À travers le personnage d’Annie, qui a tout à découvrir, le spectateur est accompagné dans ce parcours initiatique fourmillant d’informations, aussi bien politiques que techniques, sans jamais déplacer l’humain de son centre. (Bande à part) A l’heure où les droits sont menacés, où l’extrême droite met en péril les conquêtes sociales et où l’avortement est contesté (Hongrie, Etats-Unis) voici un film nécessaire et juste. (L’Obs) Bien que mis en scène à travers le personnage d’Annie, le film réussit à dépasser le récit individuel pour mener une réflexion politique sur le corps des femmes. (Les Fiches du Cinéma) Blandine Lenoir a imaginé une fiction lumineuse fondée sur une puissante sororité. (Positif)
Luxfilmfest-Lab Utopia 11.1.23 à 19h
NO BEARS/KHERS NIST ***
Drame absurde; Réalisateur, scénariste: Jafar Panahi; avec Jafar Panahi, Naser Hashemi, Vahid Mobasheri; Directeur/Photo: Amin Jafari; Iran 2022, 106 minutes; Prix spécial du Jury Festival de Venise 2022, Toronto Intl. Film Festival 2022, New York Intl. Film Festval 2022.
Dans un petit village iranien proche de la frontière, un metteur en scène est témoin d’une histoire d’amour tandis qu’il en filme une autre, par intérim. La tradition et la politique auront-elles raison des deux ?
- “No Bears,” which premieres in competition in Venice, certainly starts in that register, with a rugpull or two and handful of seriocomic, absurdist observations on the foibles of Iranian village life. But then, as though it were anticipating the worsening political situation which culminated in Panahi’s detention in July 2022 for a six-year prison sentence, the mood darkens, prior to an ambiguous but devastating finale which seems to even include the director’s own tendency toward playfulness in its critique. If Panahi’s dissident films have to date been journeys of discovery about the subversively liberating, life-affirming power of cinema, “No Bears” is where he slams on the brakes. (Jessica Kiang/Variety)
Avant-Première Utopia 16.1.23 à 19h
ALCARRÀS
NOS SOLEILS; Drame; Réalisatrice: Carla Simón; avec Josep Abad, Jordi Pujol Dolcet, Anna Otin; Scénaristes: Carla Simón, Arnau Vilaró; Directrice/Photo: Daniela Cajias; Musique: Andra Koch; Espagne 2022, 120 minutes; Ours d’Or Festival de Berlin 2022.
Depuis des générations, les Solé passent leurs étés à cueillir des pêches dans leur exploitation à Alcarràs, un petit village de Catalogne. Mais la récolte de cette année pourrait bien être la dernière car ils sont menacés d’expulsion. Le propriétaire du terrain a de nouveaux projets : couper les pêchers et installer des panneaux solaires. Confrontée à un avenir incertain, la grande famille, habituellement si unie, se déchire et risque de perdre tout ce qui faisait sa force…
- Rien ne se passe vraiment dans Nos soleils (Alcarràs), le nouveau film de Carla Simón après le tout aussi merveilleux Été 1993, et en même temps, tout se passe, car l’univers d’une famille est sur le point de changer pour toujours. Au dehors, personne ne s’en soucie, personne ne remarque quoi que ce soit. Et pourtant, dans ce film projeté en compétition à Berlin, Simón un cinéma “de l’intérieur” : elle va au plus près des choses, observe à travers le feuillage et semble faire tout son possible pour se retenir de serrer ses personnages dans ses bras. Ce n’est rien de moins qu’un miracle qu’ils aient tous droit ici à leurs moments à eux, et aux petites choses auxquelles chacun tient, qu’il s’agisse d’une chorégraphie sur une chanson “girl power” ou même d’un petit buisson d’herbes folles. Pour tout vous dire, Simón est peut-être une des cinéastes les plus tendres qui exercent en ce moment. (Marta Balaga/Cineuropa.org)